Thècle de Maurienne, aux fondements d'une tradition hagiographique
Dans les dernières décennies du VIe siècle, sous la plume de Grégoire de Tours, un curieux et énigmatique récit retrace l’arrivée d’une relique de saint Jean-Baptiste dans une ville des Alpes, Maurienna, petite bourgade soudain mise en lumière qui va adopter plus tard l’hagiotoponyme de Saint-Jean-de-Maurienne. Curieuse, en effet, est la présence d’un personnage aussi prestigieux, le troisième dans la hiérarchie céleste après le Christ et la Vierge, dans ce lieu si peu renommé. Énigmatique aussi, se révèle cet épisode où l’on assiste à une dramatique tentative du vol de la relique qui conduit à la mort du protagoniste... Ce temps est aussi marqué dans les Alpes par les actions militaires de Gontran, petit-fils de Clovis et héritier de l’ancien royaume burgonde, que les historiens français, par convention, désignent dès lors sous le nom de « royaume de Bourgogne » : le roi franc entreprend de lutter contre les incessantes incursions lombardes en Gaule en consolidant les zones frontalières de son royaume par le contrôle des cols alpins. Parmi ceux-ci, le Mont-Cenis, porte de la vallée de l’Arc sur celle de Suse, donne alors à la Maurienne le rôle d’un espace stratégique de première importance. |
La même période voit la création de l’évêché de Maurienne, le dernier à être mis en place dans le sud-est de la Gaule, ce qui hisse la petite ville de Maurienna au même rang statutaire que des localités plus importantes comme Grenoble ou Genève. La concomitance de ces trois événements n’est évidemment pas fortuite et l’historiographie de la légende de sainte Thècle l’avait déjà partiellement soulignée. L’objet de la présente enquête est de reprendre en profondeur l’étude de cette tradition et de retracer la progression de ce fil-rouge qui apparaît, pendant tout le Moyen Âge et jusqu’à notre époque, comme le support et la caution, constamment rappelés, de la légitimité politique et religieuse de la Maurienne. Cette conférence se propose de retracer chronologiquement les principales étapes de la construction de ce récit en soulignant les raisons contextuelles de cette évolution. Davantage que de s'intéresser au personnage de Thècle et à son existence réelle ou imaginée, ce que l'historien serait bien en peine de démontrer, il s'agit ici de montrer l'importance et la pérennité de la legenda qui lui est attachée. Jean-Pierre Derrier Doctorant en histoire des mondes médiévaux - Université de Savoie - Mont-Blanc
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